Mon voyage au Togo


Une immersion, un regard, un questionnement
Le Togo est un petit pays d’Afrique de l’Ouest, entre le Ghana à l’ouest, le Bénin à l’est et le Burkina Faso au nord. Sa richesse culturelle est immense, héritée d’une histoire marquée par les royaumes traditionnels, la colonisation allemande puis française, et une indépendance acquise en 1960. C’est dans ce pays vibrant que j’ai eu la chance de vivre une expérience marquante, en 2021, dans le petit village de Ledikopé.
Ce voyage, je l’ai entrepris dans le cadre d’un projet associatif, avec pour mission d’accompagner les enfants dans leur scolarité et de proposer des activités éducatives et culturelles. Très vite, ce séjour a été une immersion profonde, à échelle humaine, dans la vie quotidienne d’un village. J’y ai découvert une richesse de relations, une force dans la simplicité, une bienveillance dans les échanges. J’ai pris le temps d’observer, d’écouter, de comprendre sans imposer. C’est dans ce contexte que ma démarche photographique a pris tout son sens.
Photographe par passion, j’ai commencé à capturer ces instants du quotidien : des regards francs, des sourires éclatants. Mon approche se voulait sensible, authentique, respectueuse. Je voulais témoigner. Transmettre une énergie. Offrir un regard sincère sur la beauté brute de la vie là-bas.
À travers mes clichés, ce sont des histoires que je raconte. Celles de femmes, d’hommes, d’enfants croisés sur un chemin, autour d’un repas ou au détour d’un rire. J’ai voulu transmettre un message positif, loin des stéréotypes, en mettant en valeur des visages et des quotidiens souvent invisibilisés. Mais cette expérience, aussi puissante et humaine fut-elle, m’a également amené à réfléchir plus largement sur la notion de volontariat humanitaire et, plus précisément, sur ce que l’on appelle parfois le volontourisme. Avec du recul, j’ai ressenti un certain malaise face à ce système qui, malgré les bonnes intentions, peut parfois entretenir des déséquilibres. Je me suis interrogée : à qui profite réellement ce type de voyage ? Peut-on vraiment aider, quand on ne fait que passer ?

Malgré la richesse des rencontres, l’émotion sincère de moments partagés, je ne referais pas ce type de voyage sous cette forme. Il m’a fallu du temps pour comprendre ce que cela impliquait, pour décaler mon regard, pour écouter les critiques légitimes. Ce voyage m’a transformé, mais il m’a aussi éveillé à des problématiques complexes que l’on ne peut ignorer.
Cette aventure m’a tout de même offert quelque chose d’inestimable : la découverte d’une culture riche et généreuse, où le quotidien se partage avec une simplicité bouleversante. Les villageois m’ont accueilli avec une bienveillance désarmante, m’ont montré leur monde avec pudeur et fierté. Ce qui m’a le plus touché, c’est ce regard direct, sans filtre. Il y avait là une forme de vérité, de confiance, de partage pur.
Lors de ce voyage, j’ai également l'occasion de découvrir des endroits forts d'histoire. De Lomé à Togoville, en passant par la Maison des Esclaves et les marchés animés.
Lomé, capitale du Togo, est une ville dynamique, située en bord d’océan, qui mêle héritage colonial et modernité. On y ressent encore les traces de son passé, notamment à travers certaines constructions datant de l’époque allemande puis française. Lomé conserve les traces de son passé tout en affirmant son identité contemporaine.
À quelques kilomètres de là, sur les rives calmes du lac Togo, j’ai découvert Togoville, une ville emblématique qui m'a fortement marquée. C'est ici qu’en 1884 fut signé le traité de protectorat, marquant le début de la colonisation allemande. C'est aussi une ville marquée par la spiritualité. Togoville est connue pour son attachement à la religion animiste encore très pratiquée dans la région à travers des autels, des fétiches et des cérémonies traditionnelles.
Sur la côte, j'ai également visité la Maison des Esclaves, un lieu de mémoire, témoignant un passé douloureux de la traite négrière. Utilisée comme point de transit pour les esclaves avant leur départ vers les Amériques, cette maison rappelle un pan sombre de l’histoire africaine
Dans les murs de cette maison, on ne peut qu'imaginer les histoires qui se sont déroulées.
Sans oublier, les marchés de la ville, véritables cœurs battants du quotidien. Le Grand Marché de Lomé est un tourbillon de couleurs, de senteurs, de voix. C’est aussi là que j’ai découvert toute la richesse du pagne, ce tissu emblématique d’Afrique de l’Ouest. Le pagne raconte, affirme, revendique. Il est à la fois vêtement et langage, porteur de message, et j’ai été fascinée par la manière dont les femmes en parlent, le choisissent, le portent avec fierté.
Enfin pour honorer cette expérience, j’ai souhaité prolonger ce lien à travers une exposition photographique. Cette série appelée "Devi bé nukoko", sourires d'enfants en éwé, un dialecte du Togo, est une invitation au dialogue et à la réflexion. Elle a été exposée lors d'une exposition collective, organisée par le Cercle des Artistes, à la galerie Ground Effect, à Paris.
Chaque photo laisse place à l’émotion brute. C’était ma manière de mettre en lumière le village de Ledikopé, ses habitants, et de transmettre ce que j’ai reçu : une leçon d’humanité, de simplicité et d’ouverture.


Ces photographies sont le reflet de ma conviction que l'art peut être une force pour porter un message fort, à son échelle.